THÉMATIQUE 3 - HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE DES MONDES ARABES ET MUSULMANS

Participant·e·s : Ghislaine Alleaume, Malika Assam, Juliette Dumas, Aurélia DusserreVanessa Guéno, Didier Guignard, Juliette Honvault, Brigitte Marino, Nicolas Michel, Christine Mussard, Norig Neveu, Mehdi Sakatni, Iris Seri-Hersch, et Michel Tuchscherer

Chercheur·e·s associé·e·s : Rémi CaucanasTommaso Palmieri, Musa Sroor et Annalaura Turiano

Les membres de l’équipe d’histoire de l’IREMAM étudient les dynamiques sociales, politiques, économiques, juridiques ou encore religieuses qui ont traversé les sociétés et gouvernement du Maghreb et du Proche-Orient aux époques modernes et contemporaines : mameloukes, ottomanes, des jeunes Nations ou des régimes autoritaires. Les travaux portant sur les périodes modernes et contemporaines s’articulent autour de trois thématiques principales :

3.1. Ruralités arabo-musulmanes

Participant·e·s : Ghislaine Alleaume, Didier Guignard, Nicolas Michel, Norig Neveu, Mehdi Sakatni, et Iris Seri-Hersch

L’histoire rurale connaît en Europe un renouveau marqué depuis les années 1990. Jusqu’à une date récente, il n’a cependant touché qu’à la marge les mondes arabo-musulmans. Ce n’est plus le cas. L’équipe d’histoire de l’IREMAM s’inscrit résolument dans ce champ de nouveau en plein essor. L’histoire rurale est à la croisée de l’histoire du droit, de l’économie, des pratiques sociales et de l’environnement. Ce champ mobilise à l’IREMAM un ensemble de spécialistes de l’histoire du Maghreb et du Proche-Orient du Moyen-Âge à nos jours. Ils s’appuient sur des sources variées :
- témoignages et enquêtes de terrain,
- archives privées (manuscrits, photographies),
- archives cadastrales, notariales et bancaires,
- archives judiciaires et administratives qui sont notamment conservées à Aix-en-Provence (ANOM) comme dans les pays concernés.

Dans une approche classique combinant géographie historique et anthropologie, nous nous proposons, d’une part, d’éclairer les aspects sociaux, légaux et institutionnels du rapport des sociétés rurales aux ressources naturelles : formes d’appropriation et de reconnaissance de droits, contrats, rapports sociaux induits, effets démographiques, inscription sur le territoire (toponymie, bâti, bornage, etc.) ; d’autre part, d’étudier les interactions entre les hommes et leur environnement : techniques, savoir-faire, structures agraires, paysages.
Bénéficiant d’un accès à des terrains variés (Anatolie, Bilād al-Shām, Égypte, Algérie), de compétences pour l’exploitation archivistique et les humanités numériques (SIG), les chercheurs de l’équipe combinent plusieurs échelles d’observation et d’analyse : exploitation agricole, village, terroir ou « pays », région, milieu naturel. Ils sollicitent le temps long, en particulier pour mesurer les effets des mutations et bouleversements politiques : changements de régime, intégration dans de plus grands ensembles politiques et économiques, colonisation, industrialisation, politiques socialistes ou libérales.

Programme EGYLandscape : Land and Landscapes in Mamluk and Ottoman Egypt, XIIIth-XVIIIth centuries, projet ANR-DFG coordonné par Nicolas Michel et Albrecht Fuess (Université de Marburg), 2019-2022.

3.2. Disposer de ses biens, transmettre son patrimoine

Participant·e·s : Ghislaine Alleaume, Juliette Dumas, Brigitte Marino, Norig Neveu, et Michel Tuchscherer
Chercheur·e·s associé·e·s : Musa Sroor

C’est à travers le croisement de divers documents d’archives des institutions religieuses musulmanes et chrétiennes (testaments, fondations pieuses, etc…) que s’articulent les recherches sur les modalités de la transmission des biens, des patrimoines et de leurs revenus entre le XVIe et le XXe siècle dans le Bilād al-Shām, l’Égypte et l’Algérie à l’époque ottomane ainsi qu’à Istanbul. Les membres de cette équipe articulent leur travail autour de plusieurs objectifs épistémologiques : constitution de corpus, questions de codicologie et de paléographie, usage de la cartographie, matérialité des objets d’études. L’étude des modalités de transmission du patrimoine permet d’envisager une histoire juridique, sociale et économique des villes et des familles du Proche-Orient ottoman. Elle permet aussi d’appréhender la complexité du fonctionnement des waqf-s et le rôle du Trésor (bayt al-mâl) dans le règlement des successions. Ce sont ainsi les systèmes de redistribution et les catégories sociales de bénéficiaires qui sont interrogés, notamment celle des pauvres. Comment les fondateurs de waqf-s mettent-ils en œuvre la bienfaisance ? Quels modèles caritatifs sont développés au Proche-Orient à partir du XVIe siècle par les missions chrétiennes dans le cadre de leur stratégie prosélyte ? Enfin, tout au long de l’époque ottomane, la transmission du patrimoine fait l’objet de stratégies de la part des gestionnaires des fondations pieuses. Ces dernières posent la question des réformes, de leurs relations aux différents systèmes juridiques ou mode de gouvernance.

Programmes et séminaire 
- « Alexandrie ottomane et moderne ». Coordonné depuis 2001 par le Centre d’études alexandrines (CEAlex) en collaboration avec l’IREMAM, ce programme poursuit ses travaux de traitement, d’analyse et de mise en partage de l’énorme collection d’actes légaux, notamment les actes de waqf, constituée sur la ville d’Alexandrie. Droit, Sources, Pratiques et Usages : les fondations pieuses (waqf) d’Alexandrie à l’époque ottomane (traductions critiques) : Ghislaine Alleaume, Brigitte Marino, Michel Tuchscherer
- « MisSMO - Missions chrétiennes et sociétés au Moyen-Orient : organisations, identités, patrimonialisation (XIXe - XXIe siècles) ».
- « De la fabrique des autorités religieuses : qualification, légitimation et ancrages des « clercs » de l’islam, du christianisme et du judaïsme en Méditerranée », séminaire interlaboratoires de la MMSH.

3.3. Savoirs, mémoires, pouvoirs dans les mondes arabes et musulmans impériaux, coloniaux et postcoloniaux

Participant·e·s : Juliette Dumas, Aurélia Dusserre, Vanessa Guéno, Juliette Honvault, Christine Mussard, et Iris Seri-Hersch

En proposant une réflexion sur la fabrication des savoirs, y compris des savoirs historiques, leur transmission, notamment par le biais de l’école et de l’enseignement, et leurs enjeux passés et présents, les chercheurs réunis ici envisagent de faire une histoire culturelle et intellectuelle des mondes arabes et musulmans, sans qu’elle soit déconnectée d’autres enjeux, en particulier politiques et sociaux. Les espaces concernés (l’Afrique, du Maghreb au Soudan, le Proche-Orient et la Turquie), sont étudiés dans la longue durée. Aussi, certains des travaux conduits s’inscrivent dans le champ des études impériales et coloniales, particulièrement dynamique aujourd’hui. Il s’agit de réfléchir aux bouleversements induits par les diverses dominations (Empire ottoman, puissances européennes), et leurs implications ou prolongements après les décolonisations.
Au croisement de l’histoire culturelle, intellectuelle, de l’épistémologie et de l’anthropologie historique, ces travaux sont fondés sur l’étude de corpus de sources textuelles, iconographiques et orales ; ils s’organisent autour de trois problématiques principales.

- Histoire de l’enseignement et de l’éducation : c’est l’objet « École » qui est analysé. Ce choix vise à dépasser l’histoire des institutions et des structures, maintes fois travaillées, pour mieux prendre en compte l’échelle de l’école dans sa dimension locale, ainsi que les enjeux sociaux et politiques de l’école pour tout un éventail d’acteurs : les écoliers et leur famille, les enseignants et le personnel encadrant, mais aussi tous ceux qui ont partie liée au fonctionnement de l’école. Les « crises et les épreuves » constituent un angle d’approche privilégié. Rapportées à l’école, à son quotidien et ses objectifs toujours si bien lissés par les rythmes et les discours, elles sont des « moments » qui ouvrent des brèches documentaires très utiles pour l’historien, mais aussi des entrées idéales pour dévoiler les enjeux de l’école.

- Production et circulation des savoirs, et en particulier les savoirs, au sens large, produits pendant la période coloniale. À partir du corpus considérable que constitue la « bibliothèque coloniale », il est possible de faire une histoire culturelle et sociale qui prend en compte les divers acteurs et institutions à l’œuvre, leurs pratiques, leurs réseaux, mais qui ne néglige pas non plus la capacité de résistance et l’épaisseur des objets étudiés. L’étude des circulations d’acteurs, de pratiques et de savoirs et de savoir-faire entre les métropoles et leurs colonies, mais aussi au niveau intra-impérial , suppose la prise en compte de diverses échelles et de dynamiques complexes.

- Patrimoine/mémoires/représentations, au prisme des constructions étatiques et identitaires mais aussi à l’aune de l’actualité (des révoltes) au Maghreb et au Moyen-Orient, les processus de sauvegarde et de patrimonialisation officiels ou privés des biens matériels contribuent à la fabrique des récits historiques. En prenant en compte la pluralité des récits mémoriels, la réflexion se penche sur les rapports à l’histoire, les représentations, résiliences et revendications sociales, intellectuelles et culturelles des contemporains, ainsi que sur les enjeux sociaux, politiques et culturels de la pratique patrimoniale.

Programme MAGYC (Migration Governance and asYlum Crises), H2020, porté par l’Université de Liège.