vue de la plaine de Bilet, Éthiopie © Amélie Chekroun

Photo : vue de la plaine de Bilet, Éthiopie © Amélie Chekroun

Séminaire « Monuments et documents de l’Afrique ancienne : recherches en cours en histoire, histoire de l’art et archéologie »

Animé par Claire Bosc-Tiessé (INHA/EHESS), Amélie Chekroun (CNRS, Institut de Recherches et d’Études sur les Mondes Arabes et Musulmans), Marie-Laure Derat (CNRS, Orient & Méditerranée), Anaïs Wion (CNRS, Institut des Mondes Africains).

Mercredi 7 juin 2023, 9h30-12h30, INHA, galerie Vivienne, salle Benjamin, Paris 4e (métro Bourse ou Palais-Royal). 

Samuel Sanchez (Université Paris-1, Institut des mondes africains), « Que tirer des registres fonciers du royaume merina ? (Madagascar, XIXe s.) »

Au XIXe siècle, le royaume d’Imerina apparait comme un Etat particulièrement innovant en matière de contrôle administratif et d’enregistrement, notamment des ressources économiques. Plusieurs recherches ont déjà été menées sur le rôle de cet Etat dans les rapports marchands avec l’étranger, notamment sur l’organisation douanière. L’essentiel de la société, en Imerina même, était orienté vers la production agraire, mais les historiens n'ont jusqu’à ce jour que très peu d’informations, en premier lieu sur l’importance de cette production elle-même, et en second lieu sur le rôle que jouaient les ressources agricoles dans les recettes de l’Etat. Il s’agira dans cette communication de présenter et expliquer comment comprendre les documents comptables (registres fonciers) issus des archives de la monarchie. Suite à ce préalable méthodologique, je proposerai quelques hypothèses sur l’activité agricole malgache au XIXe s. et le rôle qu’elle jouait dans la construction de l’appareil politique merina.

Matthieu Provençalle (Université Paris-1), « À la recherche des voix africaines dans les récits européens : la relation de voyage de Nicolas Villault de Bellefond et la légende de l'antériorité française en Afrique de l'Ouest (XVIIe s.) ».

En 1669 paraît une relation de voyage intitulée Relation des costes d’Afrique appelées Guinée. Dans celle-ci, l’auteur, le Français Nicolas Villault de Bellefond, rapporte les détails de son expédition en Afrique de l’Ouest, en 1666-1667 à bord du navire l’Europe, « soubz la Commission de la Compagnie des Indes occidentales de France ». À la fin de l’ouvrage, un chapitre d’une trentaine de pages explique, de manière très détaillée, que les Normands auraient dépassé le cap Bojador dès 1364, soit près de soixante-dix ans avant les Portugais. Durant une cinquantaine d’années, ils auraient mené plusieurs expéditions commerciales et auraient même installé un fort sur le site d’Elmina. Les guerres de religion en France auraient ensuite mis fin à ces activités normandes.
Au XIXe siècle, ces assertions exposées par Villault de Bellefond sont reprises et déclarées véridiques par des intellectuels français pour légitimer les prétentions coloniales françaises en Afrique de l’Ouest. Ce n’est que dans la première moitié du XXe siècle, grâce aux travaux de Charles de La Roncière et de Raymond Mauny, que cette histoire est définitivement considérée comme une légende. Les deux historiens considèrent notamment que Villault de Bellefond a écrit pour le compte de Colbert, afin d’appuyer le projet colonial du ministre français en Afrique. Sans écarter cette dimension, mes recherches m’ont cependant conduit à élaborer une autre hypothèse : selon moi, cette légende a vu le jour sur la Côte de l’Or à la fin du XVIe siècle/début XVIIe. Elle aurait été « inventée » par des populations africaines afin de pousser les Français à commercer avec eux et à s’installer sur leurs côtes, et aurait ensuite été reprise par Nicolas Villault de Bellefond dans sa relation de voyage.

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