Séminaire inter-laboratoires MMSH « De la fabrique des autorités religieuses » (2019-2020)

De la fabrique des autorités religieuses : qualifications, légitimations et ancrages des "clercs" de l’islam, du christianisme et du judaïsme en Méditerranée

Responsables scientifiques : Katia Boissevain (Idemec, AMU), Marie-Laure Boursin (Cherpa, Idemec, Sciences Po Aix), Frégosi Franck (Cherpa, Sciences Po Aix), Sabrina Mervin (CéSor, Ehess), Norig Neveu (Iremam).

Thématique du séminaire

Réflexion interdisciplinaire sur les transformations à l’œuvre dans la formation des clercs religieux dans les trois « grandes » religions du Livre et les conséquences sur leurs profils, leurs circulations, leurs modes de légitimation et leurs modes d’intervention dans l’espace public.

Mots-clefs : autorité religieuse, formation, légitimation, mobilité, espace public.

Argumentaire

La question de la formation des « autorités religieuses » peut faire débat dans des pays où religion et État sont séparés, quand elle s’y oppose, ou que lui-même s’impose. L’est-elle moins lorsque l’État se définit comme détenteur d’une légitimité religieuse ? La gestion de la diversité religieuse apparaît comme une problématique partagée et la plupart des États sont confrontés à l’émergence de revendications et attentes de la part des fidèles. Ceci d’autant qu’à partir de la fin du XIXe siècle, les institutions religieuses et leurs représentants connaissent d’importants changements qu’ils soient internes ou dus à des contraintes étatiques (loi 1905 pour la France, fin du califat ottoman, apparition du réformisme musulman, etc.) redistribuant leur implantations et prérogatives. Ils se trouvent parfois à négocier avec de nouvelles structures étatiques (régimes communistes, révolution iranienne et création de l’État d’Israël). Ces autorités religieuses sont pourtant, les premières à être confrontées et à devoir gérer la formation de leurs clercs.

Quelles sont les institutions de formation, quels curricula proposent-elles et à qui s’adressent-elles ? Parallèlement, quels sont les acteurs de la transmission et de sa pérennisation ? La formation des clercs sera ici considérée au-delà de l’institution, qui peut délivrer un diplôme professionnalisant, comme toute forme de transmission (par un maître ou familiale) d’un savoir érudit, mais aussi d’un charisme ou d’un savoir être, faire et dire. L’un des premiers constats établit par l’équipe organisatrice de ce séminaire est la multiplicité des curricula proposés aux clercs, y compris lorsqu’ils appartiennent à une même religion, même rite ou école juridique. Selon les périodes, les contextes historiques, les publics et les territoires concernés, différentes disciplines doivent être maîtrisées par les clercs : sciences religieuses, sciences humaines, savoirs encyclopédiques, enseignements soufis, maîtrise des langues. Dans ce contexte, les supports de la formation sont multiples et s’adaptent aux évolutions technologiques : prêches, initiations, cassettes, vidéos, sites internet, etc. Ces curricula sont révélateurs des attentes des institutions ou personnes qui les mettent en place : écoles traditionnelles, centres de savoir ésotérique ou exotérique, associations ou encore universités contemporaines. Ceci pose nécessairement la question du rôle du politique dans l’élaboration de ces curricula et interroge dans une perspective comparatiste l’idée d’une sécularisation de la formation des clercs et ses conséquences à différentes échelles. C’est également le lien entre dynamiques locales de formation et inscriptions des parcours dans des logiques transnationales qui sera investigué au cours des séances.

Ce séminaire inter-laboratoires propose ainsi d’interroger, de manière comparative, les transformations à l’œuvre dans la formation des clercs religieux et les conséquences sur leurs profils, leurs circulations, leurs modes de légitimation (islam, christianisme et judaïsme en Méditerranée et en Europe). Pour ce faire, une attention sera portée, selon les contextes, aux profils des clercs masculins et féminins quant à leurs qualifications. Ce qui revient à interroger les compétences en actes et les savoirs mobilisés. Ensuite, partant du constat de l’implantation transnationale des institutions et de leurs lieux de formation, nous analyserons les circulations des savoirs, des supports et des personnes. Comment à partir des centres et des périphéries, les clercs s’organisent-ils ou non en réseaux ? Comment cette structure hiérarchique mouvante marquée par la notoriété de certaines institutions et formateurs a-t-elle des incidences sur les modes de légitimations ? Nous nous intéresserons aux processus de légitimité organisés par les institutions et validés, ou invalidés, par les fidèles, sans oublier de nous interroger sur les nouvelles modalités d’intervention de ces clercs dans l’espace public comme de leurs rapports au champ politique.

Programme 2019-2020

Jeudi 31 octobre 2019, 9h30-12h30, MMSH, salle Duby.
Usage vernaculaire des termes de l’autorité

Il s’agit ici d’une part d’interroger les termes utilisés pour désigner les autorités, tels que ouléma, clergé, patriarcat, consistoire, etc. dans une perspective linguistique et d’autre part de prêter attention à la place et les usages des langues dans la construction des autorités religieuses.

Présentations et discussions de et avec  : Lisa Anteby, Michèle Baussant, Marie-Alexandra Bianchi, Katia Boissevain, Marie-Laure Boursin, Benoît Fliche, Franck Frégosi, Vincent Geisser, Anna Grasso, Lilit Harutyunyan, Myriam Laakili, Françoise Lorcerie, Sabrina Mervin, Norig Neveu, Alix Philippon, Thomas Pierret, Guillaume Sihlol.

Jeudi 21 novembre 2019, 9h30-12h30, Sciences Po Aix, Espace Philippe Seguin, salle 003.
Économie et autorité religieuse

Cette séance souhaite revenir sur les approches entre économie et religion : « d’économie religieuse » et « économie de la religion » pour analyser les interactions entre économie de marché et autorités religieuses, nous souhaitons aussi aller plus loin en abordant concrètement la question des financements et pratiques économiques des autorités religieuses.

Mohammed Tozy (CHERPA), « Des oulémas dans la banque ».
Sabrina Mervin (CéSOR), « L’économie de la marja‘iyya (l’autorité dans l’islam chiite) ».

Jeudi 12 décembre 2019, 9h30-12h30, MMSH, salle Paul-Albert Février.
Construction des images et autorités religieuses

Cette séance souhaite interroger la construction des autorités par l’image. Qu’elles soient produites et/ou utilisées par les acteurs ou par des observateurs extérieurs (chercheurs, journalistes, fidèles) comment les images peuvent devenir un outil de communication au service des autorités religieuses, ou à l’inverse, un medium de délégitimation ? L’image est-elle un outil heuristique pour montrer ou aborder les autorités en actes ?

Alix Philippon (Cherpa), « La construction du charisme soufi au Pakistan : le cas controversé des pirs barelwis ».
Emma Aubin-Boltanski (CéSor), « Une mystique maronite et ses ’excès’ face à l’Église. Beyrouth 2011-2015 ».

Jeudi 6 février 2020, 9h30-11h, MMSH, salle Paul-Albert Février.
Comment faire autorité en étant « hors du monde » ?

Moines, moniales, cellules salafistes reculées, aumôniers pour des fidèles reclus, etc., l’autorité religieuse peut rayonner par l’intermédiaire de l’ascèse mais également de la prédication auprès de fidèles isolés. Cette séance interrogera la particularité de la définition de ces autorités hors du monde.

Anna Poujeau (CéSor), « Les moniales de Sainte-Thècle et les combattants du front al-Nosra : autorités religieuses et ajustements politiques islamo-chrétien en Syrie ».

Jeudi 5 mars 2020, 9h30-12h30, MMSH, salle Paul-Albert Février (séance annulée).
Autorité religieuse et hétérodoxie

Les autorités religieuses établissent-elles les frontières entre orthodoxie et hétérodoxie ? Qu’en est-il alors des autorités considérées comme hétérodoxes ? À partir de certains profils spécifiques, cette séance posera la question du rapport qu’entretiennent les autorités religieuses à l’hétérodoxie des fidèles ou de leurs pairs. Comment les pratiques considérées comme non conformes au dogme définissent-elles en creux les contours de certaines autorités.

Nathalie Clayer, (CETOBaC, UMR 8032), « Hétérodoxie, autorité et gestion de la pluralité au sein de l’islam albanais du XXe siècle »
Thierry Zarcone, titre à préciser.

Jeudi 12 mars 2020, 9h30-12h30, MMSH, salle Paul-Albert Février (séance annulée).
Processus de fondation et autorité

Fonder un lieu de culte, un séminaire ou un lieu saint permet non seulement d’appuyer un processus d’affirmation de l’autorité religieuse, d’en contester d’autres mais également de définir les contours d’un groupe de fidèles. L’obéissance des fidèles sera questionnée au cours de cette séance. Pour ce faire il s’agira de revenir sur les attentes et les revendications de ces derniers à l’encontre des autorités.

Elsa Grugeon (EHESS), « Quelle offre pour les fidèles ? Autorités et formation autour du Dôme du Rocher (Jérusalem) ».
Manoël Pénicaud (IDEMEC), « Louis Massignon (1883-1962), entrepreneur et pionnier du dialogue islamo-chrétien. Expérimentations, marges et filiations ».

Jeudi 9 avril 2020, Sciences Po Aix, Espace Philippe Seguin, salle 003 (séance annulée).
Autorité religieuse et outil numérique

La place des nouvelles technologies dans la pratique religieuse et des outils numériques comme mode de communication et diffusion au service des groupes religieux a fait l’objet d’attentions scientifiques dès les années 2000, il s’agit ici plutôt d’interroger la fabrique des autorités par et avec les outils numériques.

Nadget Zouggar (IREMAM), « L’autorité d’Ibn Taymiyya (m. 1328) dans l’islam d’aujourd’hui ».
Brigitte Maréchal (CISMOC – IACCHOS – UCL), « Réflexions socio-anthropologiques sur les modalités d’émergence de nouvelles formes d’autorités religieuses sunnites à l’ère numérique ».

Jeudi 7 mai 2020, 9h30-12h30, MMSH, salle Paul-Albert Février (séance annulée).
Autorité textuelle – Texte et autorité

La compréhension, maîtrise, discussion et exégèse des textes est l’une des compétences traditionnellement dévolues aux autorités religieuses qui leur a été constamment disputée tout au long du XXe siècle. Au cours de cette séance, les intervenants reviendront sur la relation des autorités aux textes saints ou la mobilisation d’autres corpus, et les discussions que cela peut générer chez leurs pairs ou leurs fidèles.

Younès Van Praet (Université de Rouen, DYSOLAB), « Typologie des pratiques didactiques du turath (patrimoine) dans l’enseignement islamique francophone ».
André Julliard (IDEMEC), « Demandes de Bénédictions, réponses des prêtres et attitudes des pratiquants : deux exemples sur le terrain du diocèse de Belley-Ars (Ain) ».

Jeudi 11 juin 2020, 9h30-12h30, MMSH, salle Paul-Albert Février.
De la variation d’échelle des autorités : entre autorités diffuses, transnationales ou décentralisées ?

L’un de enjeux des hiérarchies religieuses est d’opérer, faire et négocier avec des échelles de reconnaissance diverses du très local au transnational, mais également de se structurer au-delà des frontières nationales. Tout au long du XXe siècle, se sont affirmés des mouvements, charismatiques, cabalistiques et autres qui se sont organisés à l’échelle transnationale ou de manière décentralisée, questionnant parfois le rôle d’autorités plus institutionnelles. Les présentations de cette séance interrogeront l’articulation entre autorités religieuses et affirmation, échanges, circulations transnationales.

Valérie Assan (GSRL), « Les rabbins en Algérie coloniale : autorités plurielles et légitimités concurrentes  ».
Stéphane Lacroix (CERI, Sciences Po), titre à préciser.