Colloque"Gauches - Islamistes : pourquoi tant de haine ? Historicité et actualité, défis et réponses à la fracture idéologique des oppositions arabes"
5-7 mai 2015, Aix-en-Provence et Cassis. Organisateurs : Institut américain des Universités (IAU College, Aix-en-Provence), WAFAW, un programme financé par le European Research Council (ERC) et rattaché à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM).
5 mai 2015 : 18h, Sciences Po d'Aix-en-Provence (conférence inaugurale de Mohamed Moncef Marzouki, ex-président de la République de Tunisie).
6 mai 2015 : 9h30-17h, IAU college d'Aix-en-Provence. 4 ateliers nationaux. Participants : Algérie : Mourad Dhina (Karama) et Jamel Zenati (ex-FFS); Maroc : Omar Lherchane (Al Adl wal-Ihsan) et Abdelaziz Nouaydi (fondateur association Adala); Tunisie : Saida Ounissi (Ennahda, deputée) et Khayam Turki (ex-Ettakatol); Egypte : Abdul Mawgoud Dardery (Freedom and Justice Party) et Amr Ezzat (militant des Droits de l'Homme). Modérateurs : François Burgat (IREMAM), Nicolas Dot Pouillard (ifpo), Vincent Geisser (ifpo), Aboubakr Jamai (IAU) et Stéphane Lacroix (Sciences Po Paris).
7 mai 2015 : 9h30, site de la Fondation Camargo, Cassis. Atelier informel suivi d'un déjeuner clôtureront la rencontre.
Quatre ans après le lancement de la dynamique printanière arabe, la fracture entre les gauches et les islamistes, instrumentalisée par les forces contre-révolutionnaires intérieures ou arabes aussi bien que par l’environnement occidental, apparaît comme l’un au moins des principaux obstacles à l’approfondissement des transitions démocratiques. La nature des relations entre les gauches et les islamistes a été déterminante dans l’évolution des processus de changement entamés durant le « printemps arabe ». Les forces contre-révolutionnaires intérieures ont instrumentalisé la polarisation souvent extrême entre ces deux camps pour faire avorter les aspirations au changement. Un peu partout dans la région, de timides mais prometteurs rapprochements entre gauches et islamistes s’étaient pourtant opérés au cours de la période de coexistence oppositionnelle, plus facilement il est vrai sur les questions nationales (Palestine, Sahara occidental) que sur les thématiques sociales ou de société. Pour les Égyptiens, ils avaient pris la forme des explorations intellectuelles conduites, depuis le début des années 1990, dans les “Dialogues islamistes-nationalistes” initiés notamment par le Soudanais Hassan Tourabi. En Algérie, ils avaient débouché sur le Pacte fondateur “de San Egidio”, signé à Rome par les acteurs du premier printemps de 1991. En Tunisie, pays où les pratiques de la Ligue des Droits de l’Homme avaient dès les années 1980 préfiguré les possibilités de rapprochement entre les deux principales composantes du champ partisan, ils avaient permis l’historique appel “du 18 octobre”. Ces efforts ont assez mal résisté à l’épreuve des premières urnes “du printemps”, partout nettement favorables aux islamistes. Les relations se sont explicitement dégradées à l’épreuve du pouvoir. Dans les deux cas, tunisien et égyptien, les plus emblématiques, les gauches ont fait, dans leur majorité, prévaloir leur logiciel “anti-islamiste” sur leur vocation oppositionnelle. Les grandes figures de la gauche marxiste égyptienne se sont ainsi solidarisées avec la déposition du président élu. Entrées prioritairement en opposition aux islamistes, elles ont ainsi joué de facto dans le camp de la contre-révolution. En Tunisie, les islamistes au pouvoir ont eu des difficultés à intégrer l’acteur syndical dans le champ des interlocuteurs possibles. La tentation de satisfaire leur bases conservatrices pour capter le vote salafiste a souvent poussé les islamistes au pouvoir vers des options législatives qui ont pu être perçues par leurs concurrents de gauche comme contrevenant au respect des libertés individuelles et des droits des minorités. Un peu partout, comme au Maroc, ou en Algérie, fut-ce dans des configurations différentes, ces divisions, parfois surmontées (San Egidio), toujours renaissantes, ont le plus souvent contribué à fragiliser les dynamiques d’alternance.
Lire l'article de presse du 27 mai 2015, paru dans Le Monde